Depuis plus d’un siècle, le 9 mai, le peuple Batanga se rassemble pour célébrer fièrement la journée commémorative de leur retour sur les terres ancestrales de Kribi.
Les Batanga, vivant en Guinée équatoriale, au Gabon et le long de la côte atlantique du sud du Cameroun autour de Kribi, partagent une histoire marquée par le désir d’autonomie de Ntanga Mu Mbèdi. Ntanga, descendant de la grande famille Mbèdi, a fondé son propre clan, les Ba-Ntanga, signifiant “ceux du clan de Ntanga”. Sous la conduite de Bonga, un groupe s’est établi dans les villages d’Enda Bonga, Badanguè et Béhondo, formant le petit Batanga (Batanga-Nord).
Un autre groupe, mené par Ntanga, s’est installé dans les villages de Bongandwè, Bwambè et Lobé, s’étendant jusqu’au grand Batanga (Batanga-Sud) où se trouve la chefferie suprême à Bongahélé. Les Batanga sont des descendants directs de Mbèdi, ancêtre commun des Douala, Malimba, Mongo et Pongo, appartenant au Grand Groupe Sáwá.
Sous protectorat allemand depuis 1884, le Kamerun a été le théâtre de nombreux combats pendant la Grande Guerre. La ville côtière de Kribi a servi de base arrière pour le Reich et ses alliés, et le peuple Batanga en a souffert lourdement. Le 27 février 1915, face aux massacres, ils ont été contraints à l’exil vers le Sud-Ouest du Cameroun, utilisant divers moyens, dont des navires de fortune et la nage. Beaucoup ont péri par noyade ou ont été déportés. Arrivés dans le Sud-Ouest, ils ont été exploités dans les plantations de thé et entassés dans des villages tels que Moliko, Buéa, Bolifamba, Mweastor, Moliwè et Misselélé, souffrant de maltraitance, de maladies et de malnutrition. Le musicien Eko Roosevelt, chef du village Lobé, évoque cette douleur dans sa chanson “Doï da Manga”. Les Batanga ont retrouvé leurs terres d’origine à Kribi en deux étapes : les 14 février et 9 mai 1916. Depuis lors, chaque année en mai, le Mayi (“mai”) est célébré à travers une grande fête traditionnelle. Bien que les festivités durent tout le mois de mai, le 9 mai est le point culminant où les enfants Batanga portent des tenues traditionnelles, des pagnes du Mayi, des masques et chantent accompagnés de tambours, sifflets, balafons et trompettes, défilant fièrement dans Kribi.
La cérémonie officielle réunit toutes les autorités du département de l’Océan, suivie d’activités sportives (matches de football, handball, courses de pirogues) et ludiques (foires, élection de miss « Itongo Mayi », représentations théâtrales). La journée se termine par une baignade rituelle. Le centenaire du Mayi a été célébré le 9 mai 2016. Ce festival culturel reste un moment fort pour les Batanga, qui se rassemblent pour préserver et promouvoir leurs traditions. À Kribi, un mémorial de la déportation des Batanga a été érigé près du phare, marquant le point de départ et de retour de ce peuple.
Gérard NYATTE